L’ingénierie de contexte : la compétence qui remplace discrètement l’ingénierie de requête
- Natasha Tatta

- il y a 4 jours
- 8 min de lecture

Depuis trois ans, tout le monde est obsédé par le prompt engineering, ou mieux, l’ingénierie de requête.
Des requêtes courtes ou longues, expertes, magiques... on les a même traitées comme des codes secrets.
Cependant, si vous suivez l’évolution des modèles d’IA générative (IAg), un constat s’est imposé dès fin 2023 :
Le prompt engineering allait se dissoudre. Les modèles capables de raisonner allaient rendre les recettes rigides obsolètes, et l’avantage réel allait migrer vers quelque chose de plus profond : l’ingénierie de contexte.
Les équipes d’OpenAI, d’Anthropic et de Google ne s’inquiètent presque plus des « bons prompts » depuis qu’elles utilisent quelque chose de plus puissant : des piles de contexte.
Voyons pourquoi l’ingénierie de contexte est la nouvelle compétence stratégique… et comment vous pouvez l’utiliser dès maintenant avec les agents converstionnels.

Qu’est-ce que l’ingénierie de contexte?
Si un prompt dit à l’IAg, ou plus précisémenet à l’agent, quoi faire, le contexte lui dit comment penser.
L’ingénierie de contexte consiste à créer l’environnement dans lequel l’agent travaillera avant même qu’il ne génère quoi que ce soit.
Autrement dit, vous définissez :
Qui l’agent doit « incarner » (persona, rôle, expertise);
Ce qu’il doit accomplir (objectifs, intention);
Comment il doit communiquer (ton, style, structure);
Sur quoi il doit s’appuyer (exemples, données, règles, travaux antérieurs).
Avec une bonne ingénierie de contexte, l’IAg cesse de se comporter comme un outil…et agit comme un assistant virtuel.
C’est pourquoi les utilisateurs avancés obtiennent systématiquement de meilleurs résultats que les utilisateurs occasionnels : ce n’est pas parce qu’ils promptent mieux, c’est parce qu’ils briefent mieux.
L’ingénierie de requête, c’est comme donner une instruction à un employé.
L’ingénierie de contexte, c’est lui donner une formation, un rôle, un manuel, des exemples, des limites… puis une instruction.
Autrement dit, la requête dépend de la formulation, tandis que le contexte dépend de la compréhension.
La différence en exemple
Requête classique :
« Rédige une publication pour LinkedIn sur les outils de productivité en IA. »
Résultat? Inégal. Parfois utile, parfois très générique.
Version avec ingénierie de contexte :
« Tu es un fondateur tech connu pour tes analyses pratiques et virales avec un ton confiant, légèrement provocateur, et basé sur des cas réels. Voici trois exemples de publications en pièces jointes. Ton audience : PDG, travailleurs autonomes et solopreneurs. Rédige une nouvelle publication sur les outils de productivité en IA dans ce style et en tenant compte de ces informations. »
Voyez-vous la différence? Ce n’est plus une requête. C’est un brief.
Vous donnez à l’IA une identité, un objectif, un cadre et un sens, exactement comme vous le feriez pour un employé humano-humain.
L’ingénierie de requête, c’est parler à l’agent, converser avec lui, tandis que l’ingénierie de contexte, c’est l’entraîner avant de lui parler.
Pourquoi le contexte devient encore plus crucial à mesure que les modèles progressent
La nouvelle génération de modèles d’IAg comme GPT-5, Claude 4.5, Gemini 3, etc. sont des modèles dits de raisonnement. Ils suivent une logique multiétapes, interprètent des documents et réalisent des tâches complexes… s’ils comprennent le contexte dans lequel ils travaillent.
C’est pourquoi l’ingénierie de requête recule.
Plus besoin de formules ésotériques.
Plus besoin de répéter « agis comme… » dans chaque requête.
Plus besoin de monologues de 500 mots pour obtenir un résultat correct.
Mais vous avez absolument besoin de contexte.
Comme le résume un ingénieur d’Anthropic :
« Les bonnes réponses viennent de bonnes instructions. Les meilleures réponses viennent d’un grand contexte. »
Et la recherche le confirme : l’étude mentionnée ci-dessous montre que les performances futures dépendront moins de la formulation des requêtes… et davantage de la qualité, de la structure et de la pertinence du contexte fourni.

À l’inverse, l’ingénierie de contexte assemble plusieurs éléments (rôle, données, règles, exemples, mémoire) pour créer un système plus stable, modulable et cohérent, où la requête n’est qu’une petite partie du travail.

Une façon simple de commencer l’ingénierie de contexte : le cadre des 4 C
Voici un modèle que vous pouvez réutiliser facilement pour structurer vos interactions avec l’IA, quel que soit le type de tâche ou d’agent que vous utilisez :
1. Caractère – Qui parle?
Un gestionnaire de produit ou de marketing, un professeur, un designer, un PDG?
2. Commande – Que doit faire l’agent?
Analyser, créer, réécrire, synthétiser, planifier…
3. Contraintes – Quelles règles suivre?
Ton, longueur, structure, interdictions, public cible…
4. Contexte – De quoi l’agent a-t-il besoin pour réussir?
Exemples, données, directives, objectifs, historique…
Un autre cadre de 4 C proposé par Status Neo, offre une perspective légèrement différente :
Clarté – formuler des instructions claires et sans ambiguïté;
Continuité – maintenir le contexte d’une conversation au fil des échanges;
Compression – résumer efficacement les contenus longs;
Configuration – adapter le contexte aux rôles et besoins de l’utilisateur.
Au fil du temps, l’agent finit par penser comme vous, votre jugement, vos priorités, votre style.
Et ça change TOUT.
Conversation → Projet → GPT personnalisé ou agent dédié
Ces cadres deviennent particulièrement utiles dès que l’on dépasse la conversation ponctuelle.
Par exemple, les Projets dans ChatGPT ou les Artefacts dans Claude permettent déjà de conserver un certain contexte entre plusieurs conversations, mais cela reste un contexte partiel, limité et souvent centré sur une tâche ou un contexte plus petit.
Avec un agent dédié, par exemple comme un GPT personnalisé, le contexte devient véritablement persistant, structuré et réutilisable : rôle, règles, style, données, mémoire, outils. L’agent sait ce qu’il doit faire, peu importe la requête.
La différence est donc graduelle :
conversation normale : contexte minimal et éphémère,
projet ou artefact : contexte conservé mais orienté et restreint,
agent dédié (exemple un GPT) : contexte complet, durable et orchestré.
Plus le contexte est structuré et persistant, plus les résultats deviennent cohérents, précis et fiables.
Pourquoi l’ingénierie de contexte est plus important que l’ingénierie de requête?
Voici la vérité que peu osent dire :
L’ingénierie de requête repose un peu sur la chance, tandis que l’ingénierie de contexte repose sur la structure.
Sans contexte, vous jouez à la loterie. Avec le contexte, vous construisez un système.
Prenons un exemple réel.
Version avec requête :
« Analyse nos ticket d’assistance client du T4 de 2025 et résume les principaux problèmes. »
Version avec contexte :
Voici nos données de ticket d’assistance client (CSV joint). Période : octobre à décembre 2025. À qui s'adresse l’analyse : la direction qui souhaite évaluer notre inefficacité opérationnelle. Objectif : réduire le volume de tickets au prochain trimestre. Sortie attendue : renseignements dans une liste à puces + recommandations d'actions à prendre pour la direction. Analyse les données selon ce contexte.
L’un demande un miracle. L’autre fournit les ingrédients.
Le rôle de la fenêtre de contexte
Les modèles d’IA actuels peuvent absorber des quantités massives d'informations :
GPT-5.1 : jusqu’à 400 K jetons
Claude Opus 4.5 : 200 K
Gemini 3 Pro : 1 million
Donc, vous pouvez téléverser :
des guides de marque,
un guide de style,
des exemples de travaux,
des ensembles de données,
des rapports complets,
du code,
de la documentation de produit comme des spécifications et plus.
Mais plus grand n’est pas toujours mieux : plus la fenêtre est longue, plus vous payez… et plus le bruit augmente. D’où l’importance de l’ingénierie de contexte :
❌ Il ne s’agit pas de fournir plus d’informations.
✅ Il s’agit de fournir les bonnes informations.
Les bonnes pratiques en ingénierie de contexte
1. Concevez des tâches propres et spécifiques
Objectifs clairs, public défini, format attendu.
2. Définissez un persona
Cela influence lourdement le raisonnement et le ton.
3. Fournissez des exemples
Les modèles d’IA apprennent par analogie : montrez, n'expliquez pas seulement.
4. Téléversez les données nécessaires
L’IA n’invente pas ce qu’elle n’a pas. Enfin... quand elle n’hallucine pas.
5. Connectez l’IA aux bonnes informations
Extraits de rapports, procédures internes, FAQ, tableaux de données, etc.
6. Validez étape par étape
Décomposez les tâches complexes en sous-processus.
Pourquoi l’ingénierie de contexte est important pour l’avenir du travail
Dans tous les secteurs, que ce soit en marketing, en traduction, en éducation, en design, en consultation, en production et j’en passe, ceux qui s’en sortent le mieux ne sont pas ceux qui écrivent les plus beaux prompt. D’ailleurs, la « requête parfaite » n’existe pas.
Ce sont ceux qui :
architecturent l’environnement,
structurent l’information,
contrôlent les données et les informations,
orientent le raisonnement.
Autrement dit, ceux qui maîtrisent l’ingénierie de contexte.
Et même les débutants peuvent produire un travail digne d’une équipe complète.
Plus qu’une compétence, l’ingénierie de contexte est un avantage stratégique.
Un mot sur les systèmes RAG (génération augmentée par récupération)
Pour aller encore plus loin, les systèmes RAG permettent à l’IA d’aller chercher la bonne information au bon endroit (vos documents, vos données, vos ressources internes, etc.) avant de générer une réponse. C’est ainsi que vous obtenez moins d’erreurs, plus de précision et un agent d’IA qui s’appuie sur une vrai base de connaissances, pas sur des suppositions.
« Pour les enrteprises, la voie est simple : transformer leur capital documentaire en avantage stratégique grâce à un système RAG. Cela passe par quatre actions clés : commencer par auditer les gisements documentaires internes, lancer un projet pilote dans un service précis, mesurer les gains concrets, puis étendre l’approche à l’ensemble de l’organisation. »
Héon, Michel. (2025). Comprendre le RAG – Vers une IA qui interroge vos documents intelligemment.
Non, l’ingénierie de contexte n’est pas un mégaprompt amélioré
Il est normal de confondre l’ingénierie de contexte avec une mégarequête, soit une requête très longue ou rigoureusement détaillée, surtout lorsqu’on voit passer des conseils qui insistent sur l’importance de fournir une requête riche en instructions, en rôles, en exemples et en objectifs.
En réalité, une mégarequête reste une instruction ponctuelle : tout est envoyé dans un seul message, puis oublié dès qu’on passe à la requête suivante.
L’ingénierie de contexte, elle, ne cherche pas à alourdir la requête, mais à construire un cadre persistant : un rôle, un style, des règles, des données, une mémoire ou un système RAG, que l’agent réutilise automatiquement.
La mégarequête améliore une requête, l’ingénierie de contexte améliore tout le système autour de la requête, ce qui permet, ensuite, de poser des instructions courtes tout en obtenant des résultats cohérents et alignés sur nos objectifs.
L’étape suivante : construire votre propre système de contexte
Pour avoir une longueur d’avance en 2026, rappelez-vous de ceci :
L’essentiel n’est pas ce que vous demandez à un agent conversationnel, mais ce qu’il sait déjà quand vous lancez une requête.. Assurez-vous de :
créer le bon environnement,
définir les attentes,
structurer les informations, et
affiner au fil des conversations.
Cessez de hacker vos requêtes, et commencez à construire votre contexte.
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Natasha Tatta, C. Tr., trad. a., réd. a. Spécialiste langagière bilingue, je conjugue la précision des mots et la portée des idées. Infopreneure et consultante en IA générative, j’accompagne les professionnels dans l’adoption de l’IA générative et le marketing de contenu. En parallèle, j’enseigne la traduction en TI à l’Université de Montréal.
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